woensdag 11 maart 2009

L'Eglise catholique, la vie, le Brésil


L’on peut à bon droit avoir du mal à comprendre l’indignation quasi générale, soudaine, ponctuelle, qui a répondu à la nouvelle de l’excommunication de la mère brésilienne responsable de l’avortement de sa fillette de neuf ans, violée par son beau-père, de cette fillette qui a perdu deux jumeaux.

Ce n’est pas que l’indignation ne soit justifiée, elle l’est assurément mais elle est surprenante comme ponctuelle, comme exception d’un silence complice plus continu à l’endroit d’une Eglise catholique dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle a coutume de «persévérer dans son être»…

Négationnisme et vichysme accueillis à bras ouverts il y a quelques semaines, prospérité nouvelle du créationnisme, affaire de Recife, tout communie, si j’ose dire, dans la confirmation de ce que l’Histoire a dit de l’Eglise catholique.

Et l’Histoire en a dit que sous couvert de défense et d’illustration du vivant et de l’amour du vivant, elle défend en réalité de l’Idée, de l’Idée de la vie, de l’imagination, de la poésie du vivant qui est un fantôme, un ange de vie mais qui est de l’ordre de la «vie morte».
L’Eglise catholique (son vaisseau amiral) goûte la mort de la vie et celle de la mort quand elle est de l’ordre de la vie. Ce n’est pas la vie que défend l’Eglise catholique mais l’imagination «toute romaine», l’idéation qu’elle en façonne. On peut aimer ou abhorrer cette idiotie (au sens grec, cette «fermeture à un savoir») mais on ne peut pas se tromper sur elle. Et quand on l’abhorre c’est continûment qu’il s’agit de s’indigner.

L’Eglise catholique défend depuis toujours une conception arrêtée de la vie (comme la flèche du sophiste qui nie le mouvement en passant de point fixe en point fixe) qui est la contradiction même de la vie comme mouvement, champ erratique de forces, comme errance tragique. Elle défend la vie morte, elle hait la vie vivante et sa gigue, elle promeut l’Eternel et vomit la mort qui est part de cette vie qu’elle vomit. On ne peut guère en attendre autre chose sauf à penser son non-être.

On ne pouvait attendre de l’Eglise catholique qu’une attitude, celle qui consistait à préférer la vie encore absente, la vie pas encore de la vie, la vie pas tout à fait vivante, la vie peut-être un peu morte, la vie problématiquement vie, celle des jumeaux, à la vie présente, de la vie, tout à fait vivante, assurément vie, de la petite fille qu’un accouchement eût condamnée. On ne pouvait en attendre autre chose, sauf à vouloir que l’Eglise fût autre chose que son être, un non-être de l’Eglise qui serait l’Eglise, ce qui est, au sens strict, impensable, c’est-à-dire non-pensable.

Il n’est pas étonnant que l’affaire soit brésilienne (et savoureux que l’excommunication soit justifiée par tel Cardinal dont la traduction littérale du nom est «Jean-Baptiste Roi», c’est-à-dire un nom convoquant la vision surréaliste d’une tête coupée portant couronne, d’une mort refoulée, d’un déni de cette vie qui est aussi faite de mort).

Il n’est pas étonnant que l’affaire soit brésilienne : quelle terre de mission plus excitante pour le catholicisme sous ses divers avatars également hostiles au vivant vivant, que ce pays de la vie radicale, de son beau désordre tragique, de son hasard glorieux, source d’allégresse et de mélancolie?

[Emmanuel Tugny, Libération]

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