woensdag 21 januari 2009

Le Ménon de Platon, Darwin et Chomsky


Il n’est pas exagéré de voir dans le Ménon de Platon la première expérience de psychologie cognitive : par ses seules questions, Socrate fait découvrir à un jeune esclave un théorème de géometrie, sans rien lui enseigner ; d’où il conclut que l’enfant devait avoir déjà en lui, d’une façon ou d’une autre, ces connaissances. Pour Noam Chomsky, le ‘problème de Platon’ est toujours d’actualité ; il en emprunte les termes à Russell :

"Comment se fait-il que les êtres humains, dont les contacts avec le monde sont éphémères, particularisés, limités, soient néanmoins capables d’avoir autant de connaissances ?"

Et les travaux du linguiste, qui ont contribué à fonder les sciences cognitives, ont accrédité l’idée qu’en ce qui concerne le langage, la ‘doctrine classique’ de Platon est pour l’essentiel la bonne : ces connaissances sont innées. À cette différence près que, pour Platon, elles resteraient ‘oubliées’ sans la stimulation de l’interrogation socratique ; alors que pour Chomsky, le langage est un ‘organe’ qui ‘pousse’ de lui-même chez les jeunes enfants en présence de stimulus fragmentaires et appauvris : à l’âge de 3 ans, sans cours de grammaire, et sans qu’on corrige systématiquement leurs erreurs, ils ont déjà retrouvé d’eux-mêmes la quasi-totalité des règles de syntaxe de leur langue maternelle. (Ainsi, les efforts immenses que nos sociétés consacrent à l’apprentissage de la langue n’enseignent pas aux enfants le langage lui-même, mais seulement la lecture, l’écriture, et les détails de grammaire propres à la langue institutionnelle, qui du point de vue du linguiste n’est ni plus ‘correcte’ ni plus systématiques que les dialectes populaires.)

Avec le développement de la psychologie cognitive, et tout particulièrement de l’investigation sur les bébés, la liste des connaissances humaines innées (et universelles) s’est allongée ; couleurs, objets physiques, visages, êtres pensants, nombres, sont tous en partie préconnus du nouveau-né. Mais avec le renouveau récent des théories évolutionnistes destinées à rendre compte de ce bagage commun, on peut dire – ce qui est rarement noté – qu’un autre pan de la doctrine de la réminiscence est à son tour réhabilité : nos connaissances innées sont bien des souvenirs, non pas, certes, du voyage de notre âme, mais du passé de notre espèce.

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